Recques-sur-Hem
L'histoire de Recques-sur-Hem :
Notre village connut plusieurs appellations :
Reka: 857 cartulaire de Sithiu
Recca: 877 ibid
Recla: 1084 chronique d'Andres
Reche 1145 Miraeus
Recha 1174 ibid
Rec 1271 cartulaire de Thérouanne
Rech 1300 chronique d'Artois
Rek 1322 ibid
Reck 1333 titres d'Artois
Le nom "Reka" et "Reches", qui apparaissent au IXe siècle, dériveraient du mot celtique: "Re" dont la signification pourrait être: " rivière";
Au début de ce siècle, le village de Recques s'est singularisé en faisant suivre son nom du suffixe: "Sur la Hem" et cela afin d'éviter toute confusion avec le village de "Recques sur Course". L'on trouve, par exemple une telle confusion dans certains guides touristiques qui notent un séjour du maréchal Ney dans chacun des deux Recques.
Dans les premiers actes municipaux du conseil général de la commune, en 1790-1791, le village est dénommé: "Recques Vrolant".
Quatre familles seigneuriales dominent le "Recques" de l'Ancien Régime.
En premier lieu, la famille du Vrolant. Elle apparaît au XIVe siècle en tant que propriétaire du château du même nom. En juillet 1380, le duc de Buckingham s'en empare, malgrè la résistance de ses 40 hommes. Cette famille, alliée aux de Créquy, connaît son apogée au XVIIe siècle. Sa domination s'étend sur les territoires de Polincove, Muncq Nieurlet et Recques avec les fiefs et seigneuries du Zeltun, de la Hollande, de Recques et du Vrolant.
Faute d'héritiers, la famille s'éteint à la mort de Marie Anne Philippe de Créquy. De Bonte, négociant à Dunkerque, rachète ces biens en 1739 (voir additif).
Les seigneurs du Vrolant ne résident pas à Recques. Ils confient la gestion de leurs terres et la justice à un bailly et à quatre échevins qui leur prêtent serment de fidèlité.
Signalons encore qu'il existait une fonction de "service et garde des bois de la Hollande" qui fut tenue au XVIIIe siècle par Jean Houllier, Thomas Albrun et François Fais. L'appel des jugements rendus au Vrolant se fait au baillage de St Omer.
Il existe une seconde cour de justice à Recques siègeant à Cocove, ce qui donne deux têtes au village: le Vrolant et Cocove. La seigneurie de Cocove, toutefois moins puissante a dépendu de celle de Tournehem.
Du XI au XVIIIe siècle, cette seigneurie, avec le fief de Moyecques, passe successivement aux mains des De Cukhove (orthographe respectée), de Courteheuse, du Vrolant, de Nouvelles, de Genevières qui les vendent après démembrement. A qui? A Jacques de Bonte encore!
En 1750, elle est acquise par Jacques André Joseph Becquet, maître particulier des eaux et forêts de Tournehem.
La troisième famille, celle des De Laune, de Clercq et Colsets possédait les seigneuries et fiefs de Marle, du Cabliau, de Coutre et de Milan. C'étaient des vassaux du Vrolant.
En 1710, Jean Adolphe de Clercq décède sans enfant. Deux cousins prétendent à la même succession: Guillaume de Clercq et Antoine Henri de Colset. La justice seigneuriale de Recques saisie l'accorde au premier. Après appel, De Colsets se la voit attribuer. Hélas, la famille s'endette tellement que Marie Françoise De Colset renonce à la succession, et par la suite, Antoine François de Craene, héritier est saisi par les créanciers. La seigneurie est alors achetée par la famille Marcotte.
Le souvenir des seigneurs de Marle s'est longtemps conservé avec la chapelle qui porte ce nom. Bâtie au XVIe siècle, elle disparut en 1872. Elle donnait sur la face nord du choeur de l'église. L'ouverture sur le choeur était entourée des statues des douzes apôtres. Large de trois mètres sur deux mètres vingt cinq, avec des murs d'un mètre d'épaisseur, elle renfermait un banc, un autel et un tombeau de pierre. Ce tombeau était surmonté d'un gisant décapité, si bien qu'on ne pouvait savoir s'il s'agissait d'une femme ou d'un ecclésiastique. On reconnaît sur le côté de ce caveau les armes des de Lanne. Avant la destruction du tombeau, on a pu relever cette inscription:
"Lieu de repos de la noble famille de Pierre de Clercq sgr de Marle fils de Paul qui trépassa en l'an MDCXXXII (1632) et eut de sa première femme Delle Barbe Hauwe et leurs enfants. Priez Dieu pour leurs âmes."
De cette chapelle, aménagée d'abord en sacristie, puis démolie, il ne subsiste qu'une plaque en marbre blanc, visible à la gauche du choeur: "à la mémoire de Jean François Alexis Delattre, seigneur de Neufrue et autres lieux..." Ces titres de noblesse furent d'ailleurs effacés à la Révolution.
Cette dernière mention nous amène à parler de la quatrième et dernière famille d'importance à Recques, les Desguinegatte-Delattre, apparue au XVe et restée jusqu'à la Révolution. Elle tenait la seigneurie de Neuve Rue, dépendante de celle du Vrolant. J'ai retrouvé dans les archives municipales le testament de Catherine Deguinegatte, veuve Delattre, du 13 août 1708, enregistré au Vrolant. En voici des extraits: "Comparu en personne Catherine Deguinegatte, veuve Denis Delattre, demt (demeurant à Esquerdes laquelle estante en ses bon sens mémoire et jugem(en)t considérante la fragilité de la vie humaine ql (qu'il) n'y a rien de plus certain que la mort et incertain que l'heure d'icelle ne voulant mourir sans penser au salut de son âme et disposer des biens ql (qu'il) a plu à Dieu luy prester dans ce monde a fait un testament... Premièrement, elle rend son âme à Dieu notre Père créateur, supliante sa bonté divine par les mérites de la passion de ntre (notre) Seigr (Seigneur) Jésus Christ et par l'intercession de la Glorieuse Vierge Marie, Ste Catherine, sa patronne, et de toute la cour céleste, la vouloir mettre et placer au royaume des cieux au nombre des bienheureux laissant son corps à la Terre pour estre inhumé en l'esglise dudt (dudit) Esquerdes... et secondement soit distribué aux pauvres quattres rasres (rasières) de blé convertis en pain ordonnant qu'immédiatement après son décez soit dit et célébré 400 messes (vous avez bien lu: 400 !) à la rétribution de 8 deniers."
Elle demandait encore d'autres messes plus solennelles avec vigiles. Pieuse? Ou avait-elle beaucoup à se faire pardonner? Elle approchait des cent ans!
EGLISE ET CHATEAUX
Après la reprise de Calais par le duc de Guise en 1558, les villages frontaliers du Bredenarde (région d'Audruicq), du Pays de l'Angle (région de St Folquin), de Recques sont convoités à la fois par les Français et les Espagnols. L'insécurité y règne à cause des continuelles attaques et contre-attaques.
Au cours d'une attaque française, menée par le maréchal d'Humières, les châteaux de la Montoire et du Vrolant tombent et sont rasés, en 1595.
Lors de la reconquête de l'Artois par Louis XIII, en 1637, notre région est mise à feu. Trente maisons brûlent à Ruminghem, ainsi que la ferme de l'abbaye de Clairmarais à Muncq Nieurlet, des maisons à Polincove et vingt quatre maisons à St Omer Capelle. Quant à Recques, le village est presque anéanti. L'abbé Reniez pense qu'il n'y est resté que deux ou trois maisons sur une population de quatre cents âmes.
En 1668, on procède à la reconstruction de la nef de l'église. En 1698, débutent les travaux du choeur, et l'on termine par la reconstruction de la chapelle de Marle, en 1696.
Dans le choeur de l'église, on relève les inscriptions suivantes sur une plaque provenant de l'ancienne chapelle de Marle: "A l'entrée de cette chapelle repose le corps de Mr Jean François Alexis Delattre, seigneur de Neufrue et autres lieux, vivant conseiller du Roy, maître particulier des eaux et forêts au département de Tournehem décédé à Neufrue le dernier de décembre de 1768 agée de 28 ans et demi administré des sacrements de la Ste Eglise."
Ecoutons Jean Baptiste Garnier nous parler du château de Cocove: "Ce château de Cocove, dernière propriété de Madame de Thosse, fille du prodigue Becquet de Cocove, dont le père avait commencé l'habitation, que le fils a achevé et où il est mort dans une grande détresse, ses créanciers, pendant plusieurs années, l'ayant tenu dans la gène des saisies les plus rigoureuses. M Dartois, moyennant 69.000 Francs, a acheté ce beau château et les restes du vétuste domaine qui en dépendait naguère."
"Il existait autrefois, sur le territoire de la commune vers le sud-est à environ un kilomètre de l'église, entre celle-ci et le bois, un monument appelé: "le membre", qui pourrait avoir été un fort. De forme circulaire, il ressemblait à un moulin à vent en pierre. Sa hauteur était d'environ 7 mètres sur autant de diamètre intérieur. Le mur était fait de cailloux, de tuiles et d'un ciment presque indestructible, de 0,50 m d'épaisseur. Au rez-de-chaussée vers le sud, il y avait une porte. Le pourtour était percé de créneaux à hauteur d'appui. L'étage comportait deux fenêtres, l'une vers le nord, l'autre vers le sud. Lorsqu'il fut vendu par le propriétaire du sol pour paver les rues de la commune, il n'existait guère que la moitié du mur vers le nord sur presque toute sa hauteur. Les anciens cependant affirment l'avoir vu presque rond, c'est à dire presque fermé. De chaque côté des créneaux du rez-de- chaussée se trouvait un carreau en terre cuite de 0,42m de long, 0,29 de large et 0,04 d'épaisseur. Tout autour, le sol était jonché de débris de tuiles. Ce monument s'élevait au lieu-dit: "le canton du membre", à l'angle nord-ouest de la parcelle numérotée B 280. Les bonnes gens du pays assuraient que "quand on faisait sept fois le tour de se membre sans reprendre s'n'haleine, on voyait in haut sur le mur le diable in culottes rouges ar'tourner des pan'kouques den eun payelle".
Au moment où nous abordons la période la plus fertile en événements et en idées, à savoir la Révolution, un personnage va capter notre attention. Le 24 février 1790, sur un total de 37 votants (les imposables), le sieur Pierre Martin Judith Eléonore de Thosse est élu maire par 29 voix. Le vote s'était déroulé au cimetière avec comme scrutateur le vicaire de Recques, M Labitte (premier du nom !). Le maire, assisté de deux officiers municipaux et de six notables constituent le conseil général de la commune. Les notables composent une assemblée consultative. N'oublions pas le procureur, une sorte de garde, qui, à partir de l'an II sera éclipsé par l'agent national, à la fois surveillant et rapporteur.
Observons encore De Thosse; le voici membre du district de Saint-Omer. En marge de la protestation de serment du vicaire Labitte, il écrit: "Biffé par moi Thosse, maire de Recques, cet acte ne devant pas souiller ce registre"; l'acte qui suit est rayé à grands traits de plume. Quels propos infâmes avait donc prononcés ce malheureux prêtre? Lisons plutôt:
"Je jure d'être fidèle au troupeau qui m'aiet confié et obligation que j'ai contracté entre les mains de l'église... Je jure d'être fidèle à la nation tout meveuxd (mes voeux) sont pour le bonheur de l'empire... Je jure d'être fidèle à la loi...Je jure d'être fidèle au roi... Je jure enfin de maintenir autant qu'il est à mon pouvoir la constitution décrété par l'Assemblée Nationale".
A la Terreur, De Thosse devient suspect; il démissionne de son poste d'administrateur du district de Saint Omer. Il passe devant le bureau du comité révolutionnaire en cette ville qui relève son signalement à toutes fins utiles... De retour à Recques, il est tenu de se présenter quotidiennement à la chambre commune (le café Jean Baptiste Pruvost). Trois semaines plus tard, il s'y présente muni d'une lettre signée de Carnot, Robespierre,Barrère, Billaud-Varenne, l'appelant à poursuivre son ministère au sein du district de Saint Omer.
La chronique des Garnier d'Ardres nous apprend que De Thosse, juge de paix au tribunal de St Omer est décédé le 25 janvier 1819. Sous le précédent régime, il avait été membre du conseil d'arrondissement. Par ailleurs, il avait vendu son château de Cocove à M Dartois.
Au début de la Révolution, la municipalité manifeste un esprit d'initiative: elle édicte un réglement de police dont nous avons cité quelques passages; elle rédige des procès-verbaux de séances ; elle répartit les réquisitions; bref, elle délibère et elle agit. Mais ce bel enthousiasme s'émousse bien vite dès qu'arrivent les exigences de l'armée. La troupe est démunie de tout: "sans culottes", sans chemises, sans tricots, sans souliers, sans lits, sans couvertures, sans chariots, sans chevaux, sans armes, sans munitions, mais pire encore: elle manque d'hommes. Le recrutement s'impose et les réquisitions réitérées exaspèrent la population. L'on se fait tirer l'oreille et, parfois l'on est soumis à contrainte.
Les réquisitions alimentaires font l'objet d'un dialogue (épistolaire, bien entendu!) entre le District et la municipalité. En voici l'esprit sinon la lettre:
Recques: Vous nous demandez du blé et du fromage pour l'armée ainsi que pour les marchés de Saint
Omer et de Tournehem, et bien, rendez-nous nos enfants afin de hâter le battage
District: Pas question!
Recques: Notre récolte sera à peine suffisante pour nous (an IV)
District: " Ce n'est point au moment où la récolte vient d'être faite que les cultivateurs de Recques n'auraient de quoy fournir au marché de Saint Omer et que dans tous les temps on a récolté à Recques plus qu'il n'en fallait pour ses habitants et les semailles".
Recques: Nous ne pouvons vous fournir le contingent.
District: Nous vous envoyons la force armée jusqu'à complète exécution de la réquisition.
Le 8 frimaire an IV, Saint Omer s'excuse d'avoir envoyé par erreur (!?) la force armée à Recques pendant deux jours.
A cette époque, Recques possède deux moulins: un moulin à huile appartenant au sieur Platiau, et un moulin à farine appartenant au sieur Dusautoir.
En brumaire an III, des personnes mal intentionnées font courir le bruit que le marché de Tournehem est supprimé. Sans attendre confirmation de cette nouvelle, Recques ainsi que d'autres communes voisines, suspendent leurs livraisons!
Les agriculteurs d'aujourd'hui apprendront avec quelque intérêt qu'une mesure de grain donnait alors un rendement de quatre rasières, soit huit quintaux.
La Société Populaire de Nordausques émet une plainte à l'encontre de la municipalité de Recques fondée sur le fait "qu'une partie de ceux qui la composent quoique bon patriotes n'ont pas les qualités nécessaires pour exercer révolutionnairement ces fonctions". En conséquence de quoi, Joseph Lebon remanie la municipalité le 12 messidor an II
Peu à peu, le conseil général de la commune perd ses prérogatives. A partir de l'an II, ses séances du décadi, qui est le jour de repos du calendrier républicain (le dixième jour de la décade), se résument à la lecture de décrets et d'arrêtés. La monotonie qui en découle provoque le désintérêt des participants et conduit à un fatal absentéisme que le substitut de l'agent national auprès du district de St Omer fustige en ces termes:
"Des membres formant le conseil général de la commune de Recques ne remplissent en aucune manière leurs devoirs qui leur sont imposés par la loy en négligent d'assister aux séances malgré la permanence décrétée par la loy sur la dénonciation qui nous est également faite que ces mêmes membres poussent la négligence et l'insousiance jusqu'à ce permettre de ne pas assister le jour de décadi à la lecture et publication des lois d'où il résulte que les habitants susdits par le mauvais exemple ni assistent pas non plus que c'est le plus sur moyen de favoriser la malveillance et le sistème de Robespierre dont le but était de tenir tous le monde dans l'ignorance sans parler de tous les autres buts qu'il en résulte."
Par deux fois également, à la demande des autorités supérieures, il est procédé à l'épuration du conseil général. Chacun des membres est invité à justifier publiquement sa conduite, les citoyens prononçant ensuite de vive voix soit son maintien, soit son renvoi. Si la seconde épuration maintint en place l'équipe dirigeante, il en fut autrement de la première.
LES SOURCES
Ici s'achève la première partie de cette étude s'étendant du 27 février 1790 au 15 brumaire an IV basée sur les documents suivants:
1) Chronique intime des Garnier d'Ardres F de St Just
2) Notes pour statistiques féodales J de Pas
3) Les notes de M l'abbé Reniez
4) Registres des cours du Vrolant, de West Cocove
5) Deux registres de délibérations municipales de 1790 à 1795
6) Epigraphie du Pas de Calais, Rodières.
RECQUES 1830-1880
Ce chapître ne constitue pas la suite logique de la partie précédente car, en effet, il ne subsiste plus aucune archive dans la commune sur la période intermédiaire.
LA SITUATION EN 1830
Depuis 1800, Recques appartient au canton d'Ardres et à l'arrondissement de Saint Omer. Lorsque, par deux fois, en 1837 et en 1858, est proposé la création de l'arrondissement de Calais, les conseillers la repoussent en raison du supplément de dépenses que cela entraînerait. De plus Recques demeure très attaché à Saint Omer, ville de marchés.
En 1830, la commune compte environ 530 habitants, mais la population en décroissance n'est plus, vingt ans plus tard, que de 420, ce qui entraîne une diminution du nombre des conseillers de douze à dix. Aussi en 1843, lors du renouvellement de la moitié du conseil municipal, ainsi que le prévoyait la loi électorale, l'on "supprime" le conseiller en excédent par voie de tirage au sort.
LA VIE POLITIQUE
Sous la Restauration et l'Empire, les élections municipales s'effectuent selon le suffrage censitaire. C'est dire que seuls quelques personnes imposables bénéficient du droit de vote. En 1834, par exemple, leur nombre n'est que de 32, ce qui est encore la participation record pour la période monarchique, le taux le plus bas se situant en 1840 avec 16 suffrages seulement.
Après l'élection des conseillers, le préfet du département, sur proposition du sous-préfet, désigne parmi ceux-ci le maire et son adjoint. Durant les cinquante années couvertes par la présente étude, le maire et l'adjoint n'ont été nommés par élection qu'à trois reprises seulement: en 1848 sous l'éphémère Seconde République, en 1871 après la déroute de Napoléon III et en 1878 sous la Troisième République.
L'inconstance politique est de règle. Quel que soit le régime: monarchique, républicain ou impérial, les membres du conseil jurent invariablement allégeance au pouvoir en place:
En 1831, ils promettent "obéissance à la charte constitutionnelle et aux lois du Royaume, fidélité au Roi des Français."
En 1852, "obéissance à la constitution et fidélité au Président."
En 1853, "obéissance à l'Empereur".
Une telle versatilité de part de mêmes hommes pourrait n'être pas comprise de nos jours! Les registres des délibérations nous en donnent d'autres exemples: à la proclamation de la République en 1848, l'on entend dans le village les cris de "Vive la République! Vive la France! Vive la Constitution!" et l'on chante un Te Deum. Décision est prise d'acquérir un drapeau tricolore que la commune ne possède pas encore. Quatre années plus tard, c'est: "Vive l'Empereur! Vive l'Empereur!" que l'on scande!
UN FAIBLE POUR L'EMPIRE
Ce comportement versatile que nous venons de mettre en relief, n'empêche pas les Recquois d'apprécier l'Empire, ou tout au moins celui qui l'incarne: Napoléon III.
Lors du plébiscite de 1851, ils votent la motion suivante: "Le peuple français veut le maintien de l'autorité de Louis Napoléon Bonaparte et lui délègue les pouvoirs nécessaires pour établir une constitution sur les bases proposées dans sa proclamation du 2 décembre 1851".
Sur les 126 inscrits à Recques, 114 se présentent aux urnes, et pas une seule voix d'opposition!
Onze mois plus tard, une approbation aussi massive est recueillie en faveur du texte suivant soumis au plébiscite:
"Le peuple français veut le rétablissement de la dignité impériale dans la personne de Louis Napoléon Bonaparte avec hérédité dans sa descendance directe légitime ou adoptive et lui donne droit de régler l'ordre de sa succession au trône dans la famille Bonaparte ainsi qu'il est prévu par le Senatus Consulte du 7 novembre".
La paroisse est d'ailleurs bien payée de retour. L'empereur, en effet accède au désir des Recquois de voir élever leur commune en paroisse autonome. Sous l'ancien régime, Recques n'était qu'une annexe de Polincove; depuis la Révolution, elle relevait de Nordausques. Depuis onze ans, des pétitions avec démarche à domicile sont faites qui réclament son érection en "succursale". Et voici qu'arrive enfin la reconnaissance tant attendue:
"Napoléon par la grâce de Dieu et la volonté nationale, Empereur des Français, à tous présents et à venir Salut.
Sur le rapport de notre Ministre Secrétaire d'Etat au département de l'Instruction Publique et des Cultes,
Vu l'article 61 et 62 de la loi du 18 germinal an 10,
Vu les propositions de l'Evêque d'Arras et du Préfet du Pas de Calais,
Avons décrété et décrétons ce qui suit:
Art 1er: L'église de Recques, canton d'Ardres est érigée en succursale.
Art 2ème: Notre Ministre Secrétaire d'Etat au département de l'Instruction Publique et des Cultes est chargé de l'exécution du présent décret qui sera inséré au bulletin des lois.
Fait au Palais des Tuileries le 31 décembre 1858.
Signé: Napoléon
Pour le Ministre Secrétaire d'Etat au département de l'Instruction Publique et des Cultes
Signé: Rouland"
Nous terminerons ce chapitre par un bref historique de la vénération de Notre Dame du Bois à Recques.
La dévotion à Notre Dame du Bois remonte à des temps forts lointains. L'on peut supposer qu'elle fut introduite par les moines de Clairmarais qui étaient propriétaires d'une grande partie des terres et des bois de Muncq Nieurlet. Elle s'adressait, à l'origine, à une magnifique statue en marbre de la Vierge à l'Enfant dressée dans le tronc d'un arbre.
Dans la commune de Muncq Nieurlet, cet endroit porte encore le nom très évocateur de Notre Dame. A la Révolution, la statue est décapitée d'un coup de sabre par un gendarme de Nordausques. De pieuses personnes en recueillent les morceaux et les font recoller.
La Tourmente passée, les pélerinages reprennent au même endroit. L'ancienne statue est remplacée par une copie en bois exécutée par un habile artisan recquois, M Henri Brussard. En 1840, débute la construction de la ferme "Notre Dame". Le propriétaire, M de Noircarme, marque son désir de voir cesser les pélerinages sur ses terres. La statue est alors transférée à Recques, dans le bois de M le vicomte de Guizelin. En 1851, ce dernier commande à son garde forestier d'élever une petite chapelle afin de la protéger.
La grand chapelle que nous connaissons aujourd'hui à l'orée du bois a été édifiée en 1862 à l'initiative de l'abbé Regnault sur un terrain offert par la famille de Guizelin. Les cérémonies solennelles d'inauguration ont eu lieu en mai et en août 1863. Quant à l'antique statue en marbre, elle est revenue dans le bois le 15 août 1979!
LES SOURCES
- Trois registres des délibérations des conseils de Recques
1830-1845
1845-1859
1859-1879
- Les notes écrites laissées par M l'abbé Réniez
- La petite histoire de la Vierge du bois de Recques, dite Notre Dame du Salut, par l'abbé Reniez
- Les additifs de M l'abbé Dégardin à cette même brochure.
Dans cette dernière partie de l'histoire de Recques vue à travers les archives municipales, nous verrons le village touché par deux vagues qui ébranleront la communauté. La première est celle des mutations techniques, scientifiques, médicales et sociales qui modifieront la vie quotidienne. La deuxième a été provoquée par les deux guerres mondiales qui compromettront l'équilibre des familles. La commune s'efforcera de s'adapter au progrès, mais ce ne sera pas toujours facile.
L'EGLISE ET LA LAICISATION
Deux legs viennent enrichir la Fabrique de Recques: celui de M Louis Reniez en 1896 et celui de la marquise de Coëtlogon en 1905. Peu après survient la fracassante séparation de l'Eglise et de l'Etat, oeuvre du célèbre "petit père Combes". Les biens de la Fabrique sont alors attribués à la commune. Première retombée, le sous-préfet, en 1907, juge trop modique la location du presbytère à 50 F par an; les impôts et l'assurance étant pris en charge par la commune. C'est avec réticence que les conseillers portent ce loyer à 70 F par an. Deuxième conséquence de la brouille entre l'Eglise et l'Etat: la commune se retrouve en manque de sonneur pour assurer les services d'ordre civil, à savoir les sonneries pour les heures du jour, les heures de classe, les heures de repas, les incendies, la fête nationale... Pour y remédier, il est octroyé, en 1907, une allocation de 100 F au prêtre qui désormais, fera fonction de sonneur.
Une autre conséquence: le bureau de bienfaisance, qui conjointement avec la Fabrique, avait été bénéficiaire du legs Guizelin, craint que ce volet du testament ne soit annulé pour cause de non exécution de la volonté de la défunte qui voulait que fussent célébrées des messes. C'est pour éviter cette issue fâcheuse que le légataire sollicite, en 1907, l'autorisation de prélever sur ses ressources propres la somme de 69 F en faveur du desservant.
En 1911, les biens et rentes ayant appartenu à la défunte fabrique sont attribués au bureau de bienfaisance. C'est le cas des legs Guizelin et Reniez. Le bureau de bienfaisance est de par la loi libéré de toute obligation légale relative à l'exécution de ces fondations. Toutefois, cela tourmente nos élus. En 1930, se référant à un avis du conseil d'état, la commune en profite pour faire attribuer une rente de 113 F à 3% à l'association diocésaine, cela afin de pouvoir faire exécuter les fondations.
LA DEMOGRAPHIE ET L'ECOLE
La constante diminution du nombre des habitants et les variations brutales du taux de fécondité après la guerre 1914-1918 engendrent de nombreuses difficultés dans le domaine scolaire. En 1885, le sous-préfet enjoint à la municipalité d'abattre une cloison pour agrandir l'école des filles et de faire l'acquisition d'un mobilier supplémentaire. Il n'y avait ni tableau, ni carte!
Deux années plus tard, le ministère stipule que dans les communes de moins de 401 habitants, ce qui est alors le cas pour Recques, une seule classe suffit. Le conseil municipal se prononce à l'unanimité pour le maintien de sa seconde école; ce qui n'empêche pas l'échelon supérieur d'en décider la suppression. Colère au sein du conseil qui désapprouve cette décision, justifiant sa position en faisant valoir les arguments suivants:
1) La commune possède une rente (la rente Guizelin) qui lui permet de payer partiellement le traitement de l'instituteur, à cette date encore à la charge de la municipalité.
2) Les logements disponibles sont trop petits pour pouvoir accueillir la totalité des enfants des deux écoles.
3) La construction d'une nouvelle école entraînerait inéluctablement la perte de la rente, ainsi que la mixité, dont la commune sera toujours un farouche adversaire.
Il faut croire que cette argumentation a été entendue puisque, le 8 décembre 1837, après deux mois de fermeture, l'école est rouverte. La nouvelle institutrice s'appelle Mlle Marie Godart.
Le recensement suivant montre que la population est remontée à 420 habitants. Bonne aubaine, car compte tenu de ce nombre la deuxième école n'est plus facultative mais obligatoire, et, de plus, le traitement de l'institutrice passe à la charge de l'état. Un reclassement est donc sollicité et obtenu en 1896.
Par une lettre adressée à la commune en 1911, le préfet requiert la constructions de deux écoles nouvelles, et cela après lecture d'un rapport de l'inspection d'académie qui dénonçait l'insalubrité des deux écoles en service: cubage d'air insuffisant, cours peu spacieuses, odeur désagréable, humidité et le cimetière à traverser pour se rendre à l'école des filles. Le conseil se défend comme un beau diable, réfutant point par point les griefs avancés par l'inspecteur. Toutefois, l'argumentation est plutôt faible, jugez-en:
"Si l'école n'a pas le volume nécessaire, elle est bien éclairée et bien aérée par 4 grandes fenêtres".
Et encore: "Si on a trouvé de l'humidité dans les bâtiments c'est que probablement ils auront été visité en hiver soit à l'époque des pluies soit en temps de dégel". Puis, argument suprême, de nature à ébranler le préfet le plus récalcitrant: "il est à constater qu'il n'y a jamais eu d'épidémie dans la commune".
Si elle ne reconnaît pas la nécessité d'une construction neuve, la municipalité consent toutefois, à étudier un projet d'agrandissement, dont elle confiera l'élaboration à M Bonvarlet, architecte à Ardres.
Pendant et plus encore après la Première Guerre mondiale, le nombre des enfants va décroître considérablement. En 1924, le préfet propose la suppression de l'école des filles. Le conseil demande son maintien: "vu son utilité et les avantages qu'elle procure à l'éducation des petites filles de la classe ouvrière principalement". Il estime que la commune est dans le creux de la vague et que la population s'accroît. Peine perdue, pour la seconde fois, la deuxième école est fermée. Cette fois-ci, la fermeture durera plus longtemps.
La seconde classe étant donc désaffectée, le sous-préfet suggère qu'elle soit utilisée comme mairie, ce qui permettrait d'agrandir le logement de l'instituteur dans la première école. Opposition catégorique du conseil, qui loue le local à Mlles Delattre. Désormais les garçons et les filles se retrouvent dans la même classe. Pour diriger cette école devenue mixte contre le gré de la municipalité, la mairie sollicite le remplacement de l'instituteur par une institutrice. C'est ainsi que Mme Hennebicq remplace le 1er janvier 1927, M Bacquet, nommé à Ecottes.
Au début des années 30, la croissance démographique pressentie devient une réalité. En 1932, on compte 52 élèves dans un local de 95 m3. La commune envisage dès lors la construction d'un groupe scolaire. Il n'existe qu'un seul endroit propice: la pâture de M Dernis située face à l'école.
La situation se dégrade très vite. En 1933, le maire est mis en demeure de trouver un local plus spacieux. L'ancienne école étant louée, la municipalité se voit contrainte de céder la salle de mairie.
Un terrain de 3200 m² est acheté d'urgence à M Dernis au prix de 33.392 F, plus 713 F de frais. Le devis de la construction dont les plans ont été conçus par M Perrée, architecte, se monte à 335.223 F. La dépense totale est alors estimée à 369.328 F.
Mais les ennuis continuent, c'est la loi des séries! A son tour, la salle de la mairie devient trop petite. Dernier recours possible: l'ancienne salle de l'école des filles, qu'il faut reprendre aux demoiselles Delattre, moyennant une diminution de leur loyer. Et voilà, du même coup, que l'on retrouve le cloisonnement entre les garçons et les filles auquel les élus tenaient tant. A la rentrée d'octobre 1935, arrive une deuxième institutrice: Mlle Verlingue. Notons que pendant deux années, Mme Hennebicq a fait classe simultanément dans deux salles situées à des niveaux différents, étant donné que la mairie était aménagée à l'étage.
Sur proposition de MM Lecoustre et Marmin, l'on décide de l'achat de 1802 m² supplémentaires à M Dernis, afin d'agrandir les cours et d'aménager un terre-plein face à l'entrée des écoles. Cette proposition et cette décision sont motivées par l'augmentation du nombre des grandes familles et la proximité du chemin 217. En définitive, le groupe scolaire et la mairie coûtent: 459.793 F tout compris. L'estimation initiale de 335.223 F n'a pu être respectée puisque entre-temps sont intervenus les accords Matignon avec la hausse des salaires et la promulgation des nouvelles lois sociales sur les congés payés et la semaine de 40 heures. Nous sommes en effet en 1936.
Les deux anciennes écoles sont louées.
EN PLEINE MUTATION
L'époque considérée sera marquée par des bouleversements techniques considérables, et nous en trouvons des échos dans les délibérations du conseil municipal.
L'extension du réseau ferroviaire se poursuit. Le conseil de Recques se montre favorable au raccordement de la Ligne Le Portel- Licques à celle d'Audruicq. A l'appui de ce projet, il fait valoir l'impact économique pour le secteur Licques-Audruicq. Cette région rassemble 17.000 habitants; l'on y dénombre en 1892 les activités et entreprises suivantes:
- 30 paires de meules pour la farine
- une fabrique de tulle disposant de 20 métiers
- des ateliers de dévidage et une filature de soie employant une centaine d'ouvriers
- deux distilleries
- quinze brasseries
- trente charrons et forgerons
- une fonderie
- un atelier de construction
- plusieurs importantes fabriques de meubles
- deux carrières de pierres de taille
- trois fours à chaux
- cinq briqueteries
- trois fabriques de tuiles
- quatre carrières de sable
- cinq carrières de cailloux
- trois carrières de marne
Un nouveau type de locomotion s'ajoute au chemin de fer à partir de 1921: la municipalité accueille favorablement le projet de liaison St Omer-Audruicq par autocar, et le subventionne. Cependant après douze ans d'exploitation, ce service est supprimé sur décision ministérielle, malgré une protestation municipale.
Au cours d'une délibération en date du 29 mai 1904, l'électricité est évoquée pour la première fois. M Schotsmans en fait la demande pour son moulin de Recques. Le conseil voit d'un bon oeil son installation dans le village. Pourtant les premiers raccordements au réseau sont effectués en 1925 seulement, par la société Béthunoise.
En 1897, est adopté le tracé du chemin qui mènera à Polincove via le moulin. Ce tracé a été préféré à celui plus court partant du presbytère de Recques en direction de l'église de Polincove, mais nécessitant un plus grand nombre d'expropriations. La dépense s'élève à 4.000 F dont 45 % à la charge de la commune.
En 1931, la commune s'élève contre les agissements de M Fourny, armateur à Boulogne-sur-Mer qui exploite le bois de Recques. En effet, pour ce faire, il utilise des tracteurs, une grue et de lourds camions qui détériorent les chemins de la Petite Hollande et du Membre. L'année suivante est rejeté le projet d'un chemin rural au membre, le long du bois vraisemblablement, au motif que la dépense serait trop élevée par rapport à l'intérêt présenté.
Il reste en 1939, trente-six ormes le long du CD 217 et seulement deux en bordure du CD 218.
Autres nouveautés introduites à Recques: le téléphone et... les chevaux de bois! En 1926, une cabine téléphonique est installée, elle est confiée aux bons soins de M Louis Delannoy. Les chevaux de bois de M Loth, forain à Calais, arrivent sur la place de Recques en 1937; ils sont animés par le moteur à essence appartenant à M Marcel Delannel.
Le XIXe siècle voit poindre l'aube de la médecine moderne. Louis Pasteur en est l'un des grands initiateurs. La commune reconnaissante verse une participation de 10 F pour l'érection d'un monument en son honneur à Lille. L'hygiène va de pair avec la médecine... Et Dieu sait combien elle faisait défaut à cette époque, à Recques! En 1901, le maire met fin à la pratique "encore trop répandue du transport, du dépècement, de la vente des chairs pour la consommation ou de l'utilisation à des usages divers des cadavres d'animaux morts à la suite de maladie ou accident".
Lors des épidémies de fièvre aphteuse en 1889 et 1933, ou des cas de rage comme ceux recensés en 1910, la circulation d'animaux est rigoureusement interdite, quant aux bêtes divagantes, elles seront abattues.
Autre problème local: l'alimentation en eau de la partie élevée de la "Commune". Un puits y est creusé en 1930, mais trois ans plus tard, l'Institut Pasteur déclare son eau non potable. S'agissant du seul puits public de ce hameau, la municipalité consulte un ingénieur géologue afin d'étudier les mesures à prendre.
C'est à cette époque que l'on découvre ou redécouvre les exigences du social et de la solidarité. A la fin du siècle, la commune reloge deux malheureux indigents dépourvu d'abri.
Pour mettre fin aux abus, le maire édicte une réglementation du glanage. "Il sera défendu de glaner de rateler sans être accompagné du garde champêtre qu'après l'entier enlèvement de la récolte et seulement le jour."
Le paupérisme est néanmoins en recul: en 1935, l'on ne distribue plus que 72 pains par mois.
Par souci d'alignement de sa politique sur les nouvelles lois sociales ou sur l'actualité, le conseil prend des mesures spectaculaires:
- constitution d'une caisse de secours mutuel contre la mortalité du bétail.
- création d'une caisse de chômage.
- octroi de primes de natalité.
C'est pour pallier l'impossibilité de s'assurer contre la mortalité du bétail auprès des compagnies existantes que fut créée, en 1908, cette caisse de secours mutuel.
Au début de 1934, la commune compte 18 chômeurs. Le conseil met en place une caisse de chômage qui accorde des secours aux sans travail et à leurs familles. L'allocation journalière est fixée à 3 F pour un homme, 2 F pour une femme et 1 F pour un enfant. Ces dépenses sont prélevées sur un fond libre d'un montant de 2.000 F. Mais l'ampleur de la crise qui à cette époque touche le monde ouvrier, va contraindre la commune à se montrer plus restrictive: les chômeurs ne seront plus secourus qu'à partir du 4ème jour, et pour un maximum de 120 jours par an.
La solidarité de la commune s'exerce également en faveur de quelques nobles causes ainsi: en faveur des victimes des mines de Courrières en 1909 et de celles du sous-marin "Prométhée" en 1936.
LES DEUX GUERRES
Il serait impensable de passer sous silence les deux grandes guerres, qui couvrent un total de dix années sur la période étudiée. Ainsi que partout ailleurs, ces deux conflits entameront les forces vives de la commune. Voyons en quelle manière la commune va tâcher de s'adapter et de faire face aux circonstances.
En août 1914, le conseil désigne les personnes qui peuvent percevoir les indemnités d'assistance aux familles nombreuses en l'absence du chef de famille.
Il va de soi qu'il y a lieu de supprimer toutes les réjouissances publiques. Ainsi à l'époque habituelle du carnaval, en 1915, le maire interdit la circulation des masques et le jet de confettis.
En 1918, l'armée britannique achète pour les abattre les arbres le long de la route de Nordausques à Audruicq.
De mai à août 1918, la population civile souffre d'une pénurie de farine. Afin d'éviter le retour d'une pareille situation, le maire constitue un stock de 120 quintaux de blés alimenté par les cultivateurs au prorata de leurs exploitations.
A l'issue de la Grande guerre, le conseil vote un crédit de 2.000 F pour que soit érigé un monument à la mémoire des huits soldats de la commune morts au champ d'honneur. Les travaux sont confiés à M Ravert, marbrier à Audruicq. L'inauguration a lieu le 26 septembre 1920. Adossé initialement à l'église, ce monument sera placé, en 1936, à l'entrée du cimetière.
En 1929, la commune participe pour la somme de 50 F à l'érection à Lille d'une statue du maréchal Foch.
Le 1er septembre 1939, le conseil municipal se réunit d'urgence à la suite de l'ordre de mobilisation générale. Le maire donne connaissance des mesures édictées par la gendarmerie. Puis, les conseillers dressent la liste des hommes dégagés des obligations militaires qui seront réquisitionnés pour les besoins de la défense passive.
En 1940, l'on procède au recensement de la population pour permettre la délivrance des cartes d'alimentation.
Le 21 juin 1940, la création d'un comité de guerre en remplacement du conseil municipal est repoussée puisque neuf conseillers sont restés sur place. Seul, M Delattre, maire est absent: il est réquisitionné à son usine. Tout au long du conflit, il continue à s'occuper de la commune, bien que deux remplaçants soient désignés successivement: M Jules Lecoustre puis M Marcel Delannel. Après l'invasion, M Lecoustre démissionne de son poste d'adjoint, invoquant son grand âge. Curieusement en avril 1945, il accepera la charge de deuxième adjoint, créé à la demande expresse de M Delattre. M Lecoustre a d'ailleurs établi un record qui risque de tenir bien longtemps: en effet il a occupé la fonction de conseiller municipal pendant 55 ans: de 1896 à 1951. Il a refusé le poste de maire, mais a accepté celui d'adjoint en 1934 au moment où le conseil est secoué par quelques remous.
Mais revenons à la Deuxième Guerre. Entre 1840 et 1941 sont constituées les commissions du cantonnement, du ravitaillement et d'aide aux prisonniers.
En décembre 1941, le conseil engage à temps partiel une seconde secrétaire, Mlle Blanche Sagot, plus spécialement chargée des dossiers concernant le cantonnement, les réquisitions et les prêts de matériel. Deux camps d'aviation se trouvent en effet sur le territoire de la commune, l'un à Neuve Rue l'autre à Cocove.
Le 20 avril 1944, la commune est bombardée; plusieurs maisons du centre sont fortement endommagées. Aucune victime n'est à déplorer. A la suite de cet événement, un bureau spécial des sinistres est formé.
Une grande partie de la commune étant occupé par un camp allemand, le conseil, par l'intermédiaire du préfet, demande à l'administration du cadastre de procéder à la révision du plan cadastral.
Les Allemands ont volé le drapeau communal. L'installation d'eau du groupe scolaire a été détériorée et la pompe volée. Les dommages aux bâtiments communaux ont été chiffrés à 219.784 F. Le 13 décembre 1951, le conseil fait don à la Grande Bretagne du terrain de sépulture de quelques uns de ses soldats. En exécution de la loi 462.208 du 14 octobre 1941, l'Etat en laisse la libre disposition, sans limitation de durée, à la commission impériale des sépultures britanniques.
APPENDICE
En complément de cette chronique de la Deuxième guerre Mondiale à Recques, voici quelques témoignages que j'ai recueillis auprès de personnes dignes de foi.
Plusieurs rampes de lancement de V1 étaient installées aux alentours: à Cocove, à Monnecove et au Copernool. La construction de celle de Cocove fut faite par des Belges avec le concours d'attelages appartenant à des cultivateurs des environs réquisitionnés. L'un des Belges, M Cornesse, vraisemblablement le responsable des travaux, a confié à M Claisse, négociant à Audruicq, qu'il avait sciemment mal orienté l'ouvrage. Il prit la fuite aussitôt après que les Allemends s'en rendirent compte. Arrêté, il aurait été déporté mais aurait échappé à la mort grâce à l'arrivée des Alliés. Les riverains étaient informés à l'avance des bombardements anglais. Cette base ne fonctionna jamais mais fut fréquemment pilonnée. L'on peut estimer à 1200 le nombre de bombes tombées dans les parages. Les avions britanniques devaient effectuer un demi-tour pour atteindre leurs cibles cachées derrière le versant sud des collines.
La base du Copernool sur la commune de Muncq Nieurlet fut l'objet d'une attaque après laquelle on recensa deux cents entonnoirs.
Plusieurs personnes m'ont signalé le dévouement de Mme la comtesse de Coetlogon et du docteur Vinet, chirurgien, qui, dans des conditions précaires, ont soigné et opéré des blessés de tous horizons.
LIBERTE EGALITE... ET SINGULARITE
Liberté, égalité...
Le 9 juillet 1880, sur une initiative du gouvernement, le Sénat et la Chambre des députés adoptent la date du 14 juillet comme jour de fête nationale de la République. En prévision de cette fête, le conseil de Recques inscrit la somme de 30 F à son budget.
Fraternité...
Neuf ans plus tard, à l'occasion du centenaire de la Révolution, la commune arbore le drapeau à la mairie et fait une distribution extraordinaire de pains aux pauvres.
Et singularité...
Le 14 juillet 1918, afin d'éviter les confusions avec un autre village du même nom, en l'occurence Recques (sur Course), le conseil municipal adopte la nouvelle dénomination de la commune: RECQUES-SUR-HEM.
LES SOURCES
Registres des délibérations municipales:
1879 à 1891
1891 à 1911
1911 à 1935
1935 à 1957
Témoignages de MM Louis Delattre et Fructueux Douilly sur les événements de la seconde Gierre Mondiale
Ce document est en fait un condensé d'un important dossier réalisé par un habitant du village. Vous pouvez recevoir par mail la version complète, ou de simples précisions, sur simple demande.